Rencontre étonnante avec Lucette Sainty, 97 ans, doyenne du repas des anciens d’Évreux.
« Je ne cherche pas à battre des records de longévité et la mort ne me fait pas peur. Je prends la vieillesse comme une étape inévitable de la vie. Une vie bien remplie et pleine de gratitude. »
« J’ai eu de la chance, la vie m’a gâtée. L’un de mes souvenirs les plus marquants a été quand mon père a acheté une télévision pour la maison. C’était juste après la guerre. Il en rêvait mais ma mère lui a dit : tu n’achèteras pas de télévision tant que je n’aurai pas de machine à laver. Vous savez, au début du siècle dernier, la lessive était une vraie corvée pour les mères de famille. Mon père a compris le message. Il a commencé par acheter la machine à laver et un mois après, nous avions la télé. C’était formidable ! »
Une famille aimante
Née le 5 juillet 1927, d’un père bourguignon et d’une mère angevine, Lucette a grandi dans une famille aimante aux côtés de ses deux sœurs.
« Nous habitions près de Paris. Mon père, André Lefebvre, était ingénieur chez Citroën. Il faisait partie du bureau d’études qui a mis au point la fameuse 2CV. Dans les années 30, André Citroën leur avait demandé de créer une voiture simple, économique, sans trop de confort, pouvant prendre à son bord quelques personnes et leurs marchandises, pour aller les vendre au marché et utilisable sur tout type de terrain. »
Lorsque la guerre éclate, le père de Lucette, « très prévoyant », achète une petite maison avec un lopin de terre près de Meaux.
« Deux week-ends par mois, nous allions en vélo, mes parents, mes sœurs et moi, dans cette petite maison, sans eau et sans électricité. C’était à 60 km de la maison mais nous avions un jardin potager et des volailles. Et nous étions à côté de toutes les fermes où nous pouvions acheter ce qui nous manquait. »
Marions-les
Après la guerre, Lucette, qui a obtenu son diplôme de secrétaire-comptable, travaille dans des bureaux à Paris. Elle rencontre son mari grâce à la paroisse :
« J’avais une belle voix de soprane et je faisais partie de la chorale. Mon mari était pianiste-organiste. On a fait comme le dicton : tu me plais, je te plais, marions-nous ! C’est ce que nous avons fait en 1953. Et j’ai eu le mari le plus gentil qui existe. Il était attentionné, serviable et artiste. On ne pouvait pas faire mieux ! »
De leur union naissent Dominique, André-Georges et Jean-Pierre :
« Tous les trois ont eu leur doctorat, je suis très fière d’eux, d’autant qu’ils sont adorables comme mes belles-filles. J’ai beaucoup de chance. »
Mais lorsque son mari décède brutalement, l’un des fils de Lucette, qui habite Le Boulay-Morin, propose à Lucette de se rapprocher de lui.
Vieillir en bonne santé
Depuis deux ans, Lucette coule des jours heureux à La Filandière à Évreux. Elle lit encore beaucoup ou s’adonne à son passe-temps favori, le dessin. Si vous demandez à Lucette si la mort lui fait peur, elle répond calmement que la souffrance lui fait peur mais pas la mort :
« La foi m’aide beaucoup. Je me dis que le ciel, en compagnie du Bon Dieu et de tous ceux qu’on a aimés, ça doit être bien. Et puis la vie m’a gâtée. J’ai la chance de vieillir en bonne santé, tout le monde n’a pas cette chance. 97 ans, c’est un bel âge. Je ne cherche pas à battre de record mais atteindre les cent ans en bonne santé comme maintenant, sans perdre la tête, pourquoi pas. »